mercredi 23 mai 2018

L’Opéra de Lille présente une production du Nabucco de Verdi trop recherchée

Lille (Nord). Opéra de Lille. Giuseppe Verdi (1813-1901), Nabucco. Mercredi 16 mai 2018

Giuseppe Verdi (1813-1901), Nabucco. Photo : (c) Frédéric Iovino/Opéra de Lille

Soutenue par une distribution de haute tenue et par un orchestre de Lille stigmatisé par l’excellent chef italien Roberto Rizzi Brignoli, le Nabucco de Giuseppe Verdi présenté par l’Opéra de Lille pèche par une mise en scène de Marie-Eve Signeyrole cherchant à trop démontrer.


Giuseppe Verdi (1813-1901), Nabucco. Photo : (c) Frédéric Iovino/Opéra de Lille

Créé le 9 mars 1842 à la Scala de Milan où il est repris cinquante-sept fois en moins de trois mois, Nabucco est le premier succès populaire de Verdi. Le climat général du troisième opéra du compositeur italien est cataclysmique et imposant, d’une redoutable efficacité psychologique, tandis que la partition préfigure l’art entier de son auteur, de Macbeth à Otello. Aujourd’hui encore, par ses tenants et ses aboutissants, cet ouvrage séduit par les questions que son intrigue met en jeu et qui restent d’actualité : oppression d’un peuple par un tyran qui va jusqu’à imposer sa propre divinité, esclavage, antagonismes religieux, résistance à l’oppression, luttes d’influences, conflits de génération…


Giuseppe Verdi (1813-1901), Nabucco. Photo : (c) Frédéric Iovino/Opéra de Lille

C’est tout cela qu’a tenté d’amalgamer la metteuse en scène française Marie-Eve Signeyrole, qui fait ressortir la schizophrénie des personnages, emplis de contradictions et de combats psychologiques intérieurs. Du coup, le public se perd, et mal lui en prend s’il tente de se repérer, car il en oublie la musique, ce qui n’est pas la finalité de l’opéra, œuvre d’art total.


Giuseppe Verdi (1813-1901), Nabucco. Photo : (c) Frédéric Iovino/Opéra de Lille

Au sein de cet amoncellement d’informations parfois contradictoires, la direction d’acteur très fouillée donne à chacun des protagonistes une consistance psychologique d’où émane la complexité de l’entendement humain qui imprègne jusqu’aux effectifs choraux. En effet, les Chœurs des Opéras de Lille et de Dijon - coproducteur du spectacle qui le reprend la saison prochaine - réunis s’avèrent à la fois homogènes et bigarrés, entonnant notamment la fameuse plainte des Hébreux Va pensiero avec une onctuosité apaisée, soutenus par un Orchestre National de Lille en très grande forme, cordes aiguës brillantes, tapis de basses moelleux, cuivres luxuriants, bois veloutés, sous la direction singulièrement efficace de Roberto Rizzi Brignoli.


Giuseppe Verdi (1813-1901), Nabucco. Photo : (c) Frédéric Iovino/Opéra de Lille

Le baryton géorgien Nikoloz Lagvilava campe un Nabucco d’une intensité saisissante, passant avec une troublante humanité du tyran absolu au pantin manipulé par l’imposant Zaccaria de la basse sud-coréenne Simon Lim et sauvé par le cynique Abdallo du ténor français François Rougier. La vindicative Abigaille de la soprano américaine Mary Elizabeth Williams est elle aussi d’une exceptionnelle complexité, évoluant de la fille félonne et sans scrupule à la femme défaite qui finit par se convertir. Malgré un large vibrato, sa voix pleine au large ambitus lui permet de se jouer avec agilité des nombreuses difficultés vocales de son rôle. 
 
Bruno Serrou

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