mercredi 18 avril 2018

Hans Zender et le Voyage d’Hiver de Franz Schubert


Hans Zender (né en 1936) à sa table de travail. Photo : DR

Formation vouée à la musique du XXe siècle mais souhaitant néanmoins participer aux célébrations du bicentenaire Franz Schubert (1), l’Ensemble Intercontemporain possède à son répertoire l’une des plus bouleversantes partitions de l’histoire de la musique, le prodigieux cycle de lieder le Winterreise (le Voyage d’hiver) du compositeur viennois, proposé dans la version d’un autre compositeur, notre contemporain Hans Zender. Ce dernier a su respecter le travail de son illustre aîné tout en signant une œuvre originale allant bien au-delà d’une simple orchestration. Une véritable gageure réalisée avec un tact et un cachet uniques, modèle de délicatesse et de caractère.

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Surtout connu comme chef d’orchestre – il dirige régulièrement en France, mais aussi à l’Opéra de Hambourg, le Festival de Bayreuth lui confiant Parsifal dès 1975 –, Hans Zender est à [81 ans] l’un des compositeurs les plus représentatifs de l’école allemande contemporaine aujourd’hui un peu négligée en France. Disciple de Bernd Aloïs Zimmermann, l’auteur de Die Soldaten (les Soldats), il se place dans la mouvance de Pierre Boulez tout en imposant une personnalité puissante. Il s’intéresse depuis une quinzaine d’années aux télescopages de l’histoire de la musique, à son interdépendance. Ainsi, ses Dialog mit Haydn (1982), Schubert Chöre (1986), Cinq Préludes de Claude Debussy (1991), sont autant d’étapes menant à son « interprétation composée » du cycle de Schubert conçue en 1993. 

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Requérant une formation instrumentale inusitée au début du XIXe siècle (machine à vent, saxophone, accordéon, harmonica, percussion multiple...), cette « transformation créatrice » transmuant les sons du piano en polychromie orchestrale, greffe quelques ajouts d’invention libre (voix parlée, interludes, simultanéité de mélodies additionnelles, etc.). Ecrite pour ténor et vingt-quatre musiciens, elle souligne et déforme des pans entiers de l’original sans jamais le trahir, alors même qu’elle instaure de nouveaux rapports entre poèmes et musique. « Depuis que l’on a inventé la notation, rappelle Zender, la transmission de la musique se fait selon deux réalités, celle du texte fixé par le compositeur et celle de la réalité sonore, actualisée par l’interprète. Ma propre lecture du Voyage d’hiver ne cherche pas une nouvelle interprétation expressive, mais profite systématiquement des libertés que chaque interprète s’attribue intuitivement. » Cette interprétation envoûtante du chef-d’œuvre de Schubert, sa force émotive et sa puissance évocatrice terriblement contemporaine lui confèrent un impact singulier.

Bruno Serrou

A lire, Hans Zender, Essais sur la musique. Editions Contrechamps, 2016 (272 pages). A écouter, Hans Zender Schuberts "Winterreise". Christophe Prégardien (ténor), Klangforum Wien, Sylvain Cambreling (direction). 2 CD Kairos 0012002KAI, 1999
1) L'article a été écrit en 1997

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