dimanche 9 octobre 2016

L'Orfeo de Monteverdi : deux conceptions diamétralement opposées préludent à l’Année Monteverdi, à Dijon et Lausanne

Dijon, Auditorium. Lausanne, Opéra. Vendredi 30 septembre et dimanche 2 octobre 2016

 Lausanne, Claudio Monteverdi (1567-1643), L'Orfeo. Mise en scène de Robert Carsen. Fernando Guimaraes (Orfeo). Photo : (c) Opéra de Lausanne


A sept mois du quatre cent cinquantième anniversaire de la naissance de Claudio Monteverdi (1567-1643), deux productions du premier des trois grands opéras du maître vénitien qui nous sont parvenus, L’Orfeo (1607), a connu deux nouvelles productions données simultanément.

Dijon. Claudio Monteverdi (1567-1643), L'Orfeo. Mise en scène d'Yves Lenoir. Photo : (c) Gilles Abegg / Opéra de Dijon

La première à l’Auditorium de Dijon, salle beaucoup trop grande pour un tel ouvrage, avec une mise en scène chaotique et rock & roll d’Yves Lenoir faisant fi du texte, où la drogue, l’alcool, le sexe et la misogynie mènent la destinée de l’artiste au sein de la société et de sa belle épouse Euridice, sorte d’agitée du bocal sans caractère, dans une grande chambre d’hôtel noir et blanc meublée Ikea, avec une distribution d’où émergent l’Orfeo de Marc Maillon, transformé en pop' star, et le Pluton de Frédéric Caton. Dans la fosse de ce spectacle un brin vulgaire, un jeune orchestre d’instruments anciens dijonnais de qualité, particulièrement la basse continue, Les Traversées baroques, dirigé avec conviction par Étienne Meyer.

Lausanne, Claudio Monteverdi (1567-1643), L'Orfeo. Mise en scène de Robert Carsen. Photo : (c) Opéra de Lausanne

Deux jours plus tard, c’était un Orfeo d’une toute autre facture qui était présenté à Lausanne. Pour ses trente ans de carrière de metteur en scène lyrique commencée à l’Opéra de Lausanne, ce même théâtre a confié à Robert Carsen l’ouvrage de Claudio Monteverdi. Ainsi plus d’un quart de siècle après ses débuts à Lausanne avec Ariane à Naxos de Richard Strauss, opéra sur un livret de Hugo von Hofmannsthal déjà tiré de la mythologie grecque, et peu avant Mefistofele d’Arrigo Boito au Grand-Théâtre de Genève cette même année 1987, le metteur en scène canadien s’est vu confié le premier Orfeo de sa carrière, après plusieurs Retour d’Ulysse dans sa Patrie et Couronnement de Poppée. De cet ouvrage si complexe qu’il est plus rare à la scène qu’Orfeo ed Euridice de Gluck, voire que le Retour d’Ulysse dans sa patrie et le Couronnement de Poppée pourtant beaucoup plus longs mais aussi plus théâtraux, Carsen réalise une lecture simple, lumineuse et équilibrée, animée par une direction d’acteur au cordeau. Une petite réserve néanmoins, l’utilisation trop commode et qui tend à devenir systématique de la salle pour les entrées de protagonistes au milieu du public. Mais la vision de Carsen séduit par la pureté de son esthétique et son élégance. Magnifiquement éclairés par Carsen lui-même, les décors nus de Radu Boruzescu participent au mystère dans les scènes festives des premiers actes autant dans la noirceur de l’Enfer et le passage du Styx. 

Lausanne, Claudio Monteverdi (1567-1643), L'Orfeo. Mise en scène de Robert Carsen. Fernando Guimaraes (Orfeo). Photo : (c) Opéra de Lausanne

Constituée de jeunes chanteurs particulièrement engagés dans leurs personnages, la troupe réunie à Lausanne est emmenée par les pimpants Fernando Guimaraes (Orfeo), ténor solide au timbre d'argent, et Federica Di Trapani, sémillante Euridice. Au sein de cette équipe sans faiblesse, se détachent Josè Maria Lo Monaco (la Musique/la Messagère), Nicolas Courjal (Caronte/Pluton/Esprit) et Delphine Galou (Espérance/Proserpine). Dans la fosse, à la tête d’un moelleux Orchestre de Chambre de Lausanne enrichi de saqueboutes, cornets et basse continue, Ottavio Dantone soutient avec enthousiasme la conception du metteur en scène, participant à la dynamique, à la poésie et au drame du fils d’Apollon. 
                                                       
Bruno serrou

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