dimanche 7 août 2016

La Traviata de Verdi pour une belle soirée d’Orange

Chorégies d'Orange. Orange (Vaucluse). Théâtre Antique. Mercredi 2 août 2016. 

Giuseppe Verdi (1813-1901), La Traviata. Francesco Meli (Alfredo Germont), Ermonala Jaho (Violetta Valeri), Placido Domingo (Giorgio Germont). Photo : (c) Philippe Gromelle / Chorégies d'Orange

Pour sa dernière édition, et en son absence, Raymond Duffaut, son directeur artistique depuis trente-quatre ans, tire sa révérence avec une Traviata de Verdi de tout premier plan.

Giuseppe Verdi (1813-1901), La Traviata. Ermonala Jaho (Violetta Valeri), Placido Domingo (Giorgio Germont). Photo : (c) FR3

La pureté du ciel de Provence, les gradins surchauffés par le soleil de l’un des plus beaux théâtres antiques d’Europe, une brise légère suscitant une température idoine, l’un des ouvrages les plus populaires du répertoire, un amphithéâtre comble d’un public d’aficionados tenus en haleine d’un bout à l’autre du spectacle, c’était l’ambiance des grandes soirées d’Orange ce mercredi pour La Traviata de Verdi. Au point que personne ne songeait à la petite révolution de cabinet qui a provoqué la démission de Raymond Duffaut que l’on croyait pourtant inamovible. Pour qui fréquente les Chorégies depuis leur réforme de 1971, quelques changements notables sont apparus, comme les surtitres installés en quatre points stratégiques autour de l’immense plateau, un programme de salle non plus global mais spécifique aux œuvres à l’affiche, une file interminable de spectateurs cherchant à récupérer leurs places, des contrôles rigoureux avec portiques aux entrées…

Giuseppe Verdi (1813-1901), La Traviata. Francesco Meli (Alfredo Germont), Ermonala Jaho (Violetta Valeri). Photo : (c) Philippe Gromelle / Chorégies d'Orange

Malgré l’absence de Diana Damrau, souffrante, les deux représentations (1) de La Traviata ont été sauvées grâce à la présence à Orange de sa consœur Ermonela Jaho dans Madame Butterfly. Après avoir laissé craindre un instant quelque défaillance, à cause notamment d’un vibrato peu contrôlé, la soprano albanaise s’est rapidement imposée comme une Violetta généreuse, sensible, féline magnifiée par une voix flexible au timbre lumineux. Cela à partir du deuxième acte, face il est vrai à une statue de commandeur, le légendaire Placido Domingo dans le rôle de Giorgio Germont. Trente-huit ans après sa dernière apparition à Orange face à Elena Obraztsova dans les rôles titres de Samson et Dalila de Saint-Saëns aux temps glorieux des Chorégies, l’immense ténor espagnol devenu baryton, à l’instar de son célèbre aîné Ramon Vinay, reste un musicien absolu, campant un personnage impressionnant, à la fois solide, impérieux, noble, humain. La voix est puissante, riche en nuances des plus subtiles, le grain est toujours charnu, le timbre immédiatement identifiable. Alfredo Germont ne pâlit pas face à ce monstre sacré, campé par le ténor génois Francesco Meli, voix toute de charme et de fluidité. Ahlima Mhamdi et, surtout, Anne-Marguerite Werster excellent dans les rôles de Flora et d’Annina, tandis que Nicolas Testé est un médecin de luxe. Daniele Rustoni, à la tête d’un Orchestre national Bordeaux-Aquitaine en très grande forme, dirigeant par cœur et chantant tous les rôles, s’illustre comme authentique partenaire des chanteurs, et donne à la partition éclat et luxuriance.

Giuseppe Verdi (1813-1901), La Traviata. Ermonala Jaho (Violetta Valeri),Anne-Marguerite Werster (Annina). Photo : (c) Chorégies d'Orange

Classique et sans génie, la mise en scène de Louis Désiré ne brille pas par sa direction d’acteur ni ses mouvements d’ensembles, tandis que le décor est constitué d’un miroir brisé à travers lequel entrent et sortent les protagonistes, avec d’un côté un lustre disloqué et de l’autre un parterre de camélias, tandis que sont projetées des vidéos suggérant le cadre de l’action.

Bruno Serrou

[Article paru dans le quotidien La Croix du 5 août 2016]

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