jeudi 25 juin 2015

Toulouse, Turandot en cheffe d’entreprise refoulée et perruque blonde

Toulouse, Théâtre du Capitole, vendredi 19 juin 2015

Giacomo Puccini (1858-1924), Turandot. Alfred Kim (Calaf), Elisabete Matos (Turandot). Photo : (c) Patrice Nin

Ultime opéra de Giacomo Puccini (1858-1924), qui n’a pu parvenir au terme de sa genèse la mort l’emportant avant qu’il entreprenne le duo final entre la princesse Turandot et son soupirant Calaf, Turandot est l’un des chefs-d’œuvre de l’opéra du XXe siècle. Loin de l’esprit tréteaux de l’opéra que Ferruccio Busoni (1866-1924) adapta lui aussi de Carlo Gozzi, en 1917, celui de Puccini est un drame violent qui plonge dans l’exotisme d’une Chine médiévale réputée particulièrement sanguinaire.

Giacomo Puccini (1858-1924), Turandot. Paul Kaufmann (Pong), Alfred Kim (Calaf), Gezim Myshketa (Ping), Gregory Bonfatti (Pang). Photo : (c) Patrice Nin

La  plongée trash de Calixto Bieito dans l’enfer d’une usine chinoise jure avec la conception du chef d’orchestre Stefan Solyom qui offre une interprétation en tout point réussie. Ce qu’en offre à voir le metteur en scène catalan dans cette coproduction du Capitole de Toulouse et des Opéras de Nuremberg et de Belfast annihile tout imaginaire. Bieito entend de toute évidence décontenancer le chaland. Or, à trop vouloir rompre avec les intentions du compositeur et de ses librettistes, il sombre plus encore dans le poncif, et prête davantage à sourire qu’à choquer le spectateur qui en a trop vu de semblables par ailleurs. 

Giacomo Puccini (1858-1924), Turandot. Elisabete Matos (Turandot). Photo : (c) Patrice Nin

Quant aux autres, ils ne peuvent que déplorer leur incompréhension : « Je n’avais pas vu Turandot depuis longtemps, et je ne me souvenais plus précisément de l’action, avouait consternée une femme à une amie à l’issue de la première. Je n’ai strictement rien compris. » Se déroulant au milieu de racks de stockage de cartons de poupées, cette production fait de Turandot, coiffée d’une perruque blonde façon cheffe de parti d’extrême droite française mais que l’on découvrira chauve durant une crise de rage, une harpie PDG d’une usine pékinoise travaillant pour l’Occident qui maltraite aussi bien ses ouvriers que son propre père Altoum, vieillard en phase terminale d’une maladie incurable qui rampe continuellement en couche-culotte souillée, tandis que Calaf est un syndicaliste rebelle à la tyrannie de sa patronne dont il tombe amoureux, que les ministres Ping, Pang, Pong sont des gardes chiourmes sans humour et que Liù pleure sur des poupées avant de se donner la mort. 

Giacomo Puccini (1858-1924), Turandot. Dong-Hwan Lee (un Mandarin), Eri Nakamura (Liu), Alfred Kim (Calaf). Photo : (c) Patrice Nin

Cette conception inutilement iconoclaste n’a que l’avantage d’offrir une continuité musicale, parce que sans entracte, et une seule bonne idée, le précipité d’une minute entre le dernier tableau, de la main de Puccini, et le finale, réalisé par Franco Alfano...

Giacomo Puccini (1858-1924), TurandotElisabete Matos (Turandot), Alfred Kim (Calaf). Photo : (c) Patrice Nin

Mais tout n’est pas de la même veine, heureusement. Car, de la fosse émane sans faillir l’essence-même de Turandot. Cela grâce au jeune compositeur chef suédois Stefan Solyom, dont l’énergie et l’engagement exaltent avec sagacité les subtilités et les grandes envolées de la partition, suivi avec maestria par un Orchestre du Capitole aux sonorités de braise. Abstraction faite de la Turandot criarde de la soprano portugaise Elisabete Matos, la distribution convainc, sous la houlette du ténor coréen Alfred Kim, Calaf sûr et ardent, de la soprano japonaise Eri Nakamura, Liù étincelante, de la basse coréenne In Sung Sim en Timur, et, surtout, du chœur du Théâtre du Capitole, puissant et homogène.

Bruno Serrou

D'après mon compte-rendu paru dans le quotidien La Croix daté samedi 27/dimanche 28 juin 2015

1 commentaire:

  1. Dommage que la presse ne pousse pas les maisons d'opéra à employer de talentueuses chanteuses d'opéra telle que Olga Perrier (un peu de promotion pour les artistes de France) à découvrir ici :
    https://www.youtube.com/watch?v=9-ZsKtu-A2I&nohtml5=False

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