mercredi 4 février 2015

Stéphane Lissner, entouré de Philippe Jordan et Benjamin Millepied, a présenté la saison 2015-2016 de l’Opéra de Paris, sa première comme directeur de la première institution musicale de France

Paris, Opéra Bastille, mercredi 4 février 2015

La façade le l'Opéra Bastille aux couleurs de la saison 2015-2016 de l'Opéra national de Paris. Photo : (c) N. Hodee / Opéra national de Paris

Nommé en 2012 Directeur de l’Opéra national de Paris à la suite de Nicolas Joël, qui, quoi que candidat à sa propre succession, n’a pas vu son contrat renouvelé, Stéphane Lissner a présenté ce mardi matin 4 février sa première véritable saison à la tête de la première institution musicale de France.

Après avoir cité Rolf Liebermann comme l’un de ses modèles, rendu hommage à ses prédécesseurs, Hugues Gall, Gérard Mortier et Nicolas Joël, et salué la mémoire de Patrice Chéreau, qui aurait dû signer la première production nouvelle de son mandat, Moses und Aron d’Arnold Schönberg, Stéphane Lissner a présenté son dessein artistique qui devrait se déployer sur les six prochaines années, autant côté théâtre lyrique que côté danse. Pour ce qui concerne le premier, les thématiques seront centrées sur trois compositeurs qui « ont marqué l’histoire de la musique par leur génie, leur tempérament et la portée de leurs innovations », l’Allemand Richard Wagner (1813-1883), l’Autrichien Arnold Schönberg (1874-1951) et le Français Hector Berlioz (1803-1869). Autre triptyque, cette fois plus conceptuel, ce que Stéphane Lissner qualifie d’« idées forces » sur lesquelles il a conçu la saison qui s’annonce : « l’ambition », « cœur du projet artistique », avec le retour à l’Opéra de Paris des « plus grands noms internationaux de la direction d’orchestre, du chant, de la mise en scène et de la danse » ; « l’équilibre artistique », avec une égale présence de l’histoire de l’art lyrique, du baroque jusqu’au contemporain sans négliger le grand répertoire ; « l’unité » entre le ballet et l’opéra, la musique et la danse, les artistes de l’orchestre, du chœur et du Ballet de l’Opéra et les élèves de l’Ecole de danse, entre Garnier et Bastille.

Stephane Lissner (au centre) présente à la presse ce mercredi 4 février 2015 la saison 2015-2016 de l'Opéra national de Paris. Il est entouré de son directeur musical, Philippe Jordan (à sa droite) et de son directeur de la danse, Benjamin Millepied (à sa gauche). Photo : (c) Bruno Serrou

Stéphane Lissner estime à juste titre que, considérant les tragiques événements que nous traversons, à l’instar de la culture en général, l’opéra ne peut se contenter du rôle de divertissement pur, mais qu’il doit interroger. C’est ainsi que, même si le projet est le fruit de perspectives élaborées avec Patrice Chéreau, le spectacle qui ouvre les productions nouvelles de la saison 2015-2016, Moses und Aron (20 octobre-9 novembre) de Schönberg, constitue un véritable signal, à la fois sur le plan artistique, puisque cet opéra inachevé du fondateur du XXe siècle musical, réunit les trois grandes masses de l’Opéra de Paris, l’orchestre, le chœur et le ballet (avec la scène centrale du Veau d’or), permet de confronter théâtres lyrique et dramatique, et d’ancrer l’Opéra de Paris au cœur-même des préoccupation contemporaines tandis que cinquante millions de personnes sont aujourd’hui acculées à l’exode, mais aussi de s’attacher aux affaires de l’esprit et à la spiritualité. Autour de Moses und Aron dirigé par Philippe Jordan et mis en scène par Romeo Castellucci (avec Thomas Johannes Mayer en Moïse et John Graham-Hall en Aaron), l’Opéra de Paris développe un cycle Schönberg qui perdurera plusieurs saisons, avec, début 2015-2016, deux grands concerts de l’Orchestre et du Chœur de l’Opéra à la Philharmonie de Paris, l’un consacré aux Gurre-Lieder (19 avril), œuvre qui, quoique rare, a été remarquablement défendue l’an dernier par l’Orchestre Philharmonique de Radio France dirigé par Esa-Pekka Salonen (voir http://brunoserrou.blogspot.fr/2014/03/sous-la-flamboyante-direction-desa.html), l’autre aux Variations pour orchestre op. 31 mises en regard de la Symphonie n° 4 en sol majeur de Gustav Mahler (16 septembre), tandis que les Solistes de l’Orchestre de l'Opéra de Paris proposeront le Quatuor à cordes op. 10 et Pierrot lunaire op. 21 avec la soprano Caroline Stein (25 octobre). Deuxième projet sur six ans, un cycle Berlioz, qui débute sur la Damnation de Faust (11-29 décembre) dirigée par Philippe Jordan et mise en scène par Alvis Hermanis (avec Jonas Kaufmann et Bryan Hymel en Faust, Bryn Terfel en Méphistophélès et Sophie Koch en Marguerite) - suivront les prochaines saisons Béatrice et Bénédict, Benvenuto Cellini, et en point d’orgue les Troyens en 2019. Autre projet, les opéras de Wagner, à l’exception du Ring, déjà donné quatre saisons à Bastille sur l’initiative de Nicolas Joël. Mais tous les autres ouvrages retenus par le Festspielhaus de Bayreuth devraient se succéder sur le plateau de Bastille. A commencer par Die Meistersinger von Nürnberg (5-28 mars), qui n’ont pas été produits à l’Opéra de Paris depuis 1989, Palais Garnier, à l’exception d’une version concertante à Bastille en 2003. Seront réunis sous l’égide de Philippe Jordan pour la direction et de Stefan Herheim pour la mise en scène, Gerald Finley (Sachs), Bo Skovhus (Beckmesser), Brandon Jokanovich (Walther), Paul Schweinester (David), Julia Kleiter (Eva) et Wiebke Lehmkuhl (Magdalene).

Neuf productions lyriques nouvelles

Un total de neuf nouvelles productions lyriques et autant côté ballet sont programmées en 2015-2016. Cela en dépit de la crise économique. « L’Opéra peut le faire malgré la disette, car il n’est pas question pour nous de repli sur soi, avertit Stéphane Lissner. Nous avons donc pris le problème autrement, en nous montrant décidés à tirer le public vers le haut, et l’élargir en montant le plus possible de productions inédites et ne pas nous limiter aux sempiternelles Traviata, Rigoletto, Carmen ou Flûte enchantée que nous ne négligerons pas pour autant. Et comme plus personne ne fait la fine bouche entre argent public et privé, le mécénat est là pour aider les nouveaux projets davantage que l’institution. C’est ainsi que j’ai voulu élaborer une programmation sur six ans, ce qui permet de convaincre les mécènes en donnant à l’Opéra une image internationale susceptible d’attirer les artistes les plus grands, de rassurer les tutelles qui peuvent constater à la fois que le public s’intéresse à l’art lyrique et que la résonance de l’Opéra de Paris est mondiale grâce à la diffusion (France Télévisions, Arte, Mezzo, France Musique, Radio Classique, Canal+, Gulli, cinémas UGC et FRA, etc.), qui se développe également grâce à cette réputation. »

Peu avant la conférence de presse saison 2015-2016 de l'Opéra de Paris. De gauche à droite, Philippe Jordan, Stéphane Lissner et Benjamin Millepied. Photo : (c) Elisa Haberer / Opéra national de Paris

Au sein du cursus des nouveaux spectacles lyriques, outre les trois opéras déjà cités, l’Opéra propose une nouvelle approche du Château de Barbe-Bleue de Béla Bartók (23 novembre-10 décembre) curieusement couplé cette fois avec la Voix humaine de Francis Poulenc (il l’avait été tout aussi bizarrement en 2007 avec le Journal d’un disparu de Leoš Janáček), deux ouvrages dirigés par Esa-Pekka Salonen et mis en scène par Krzysztof Warlikowski, le premier avec Johannes Martin Kränzle (Barbe-Bleue) et Ekaterina Gubanova (Judith), le second avec Barbara Hannigan. La seule partition du XXIe siècle est confiée aux chanteurs de l’Académie Atelier Lyrique de l’Opéra de Paris. Il s’agit de Vol retour de la jeune compositrice britannique Joanna Lee (née en 1986) dont ce sera du 4 au 19 décembre la création française. Deux nouvelles productions d’opéras de Giuseppe Verdi sont proposées, à côté de la reprise de la Traviata (20 mai-29 juin) mise en scène par Benoît Jacquot (voir http://brunoserrou.blogspot.fr/2014/06/la-traviata-de-verdi-sans-ressort-de.html) qui verra notamment le retour à Bastille de Placido Domingo (17, 20 juin), Il Trovatore (31 janvier-15 mars) dirigé par Daniele Callegari et mis en scène par Alex Ollé (dont le nom est dissocié cette fois du collectif La Fura dels Baus), avec entre autres Anna Netrebko (Leonora), Ludovic Tézier (Luna), Ekaterina Gubanova (Azucena) et Marcelo Alvarez (Manrico), et Rigoletto (11 avril-30 mai) sous la direction de Nicola Luisotti/Pier Giorgio Morandi et dans la mise en scène de Claus Guth, avec notamment Quinn Kelsey/Franco Vassallo dans le rôle-titre, Michael Fabiano/Francesco Demuro (le Duc de Mantoue) et Olga Peretyatko/Irina Lungu (Gilda). Un diptyque réunira toute les forces de l’Opéra de Paris, orchestre, chœur et ballet, autour de Tchaïkovski, qui en dirigea la création le même soir au Théâtre Mariinski de Saint-Pétersbourg, l’opéra Iolanta et le ballet Casse-Noisette (9 mars-1er avril) confiés pour le premier à Dmitri Tcherniakov pour la mise en scène, Sonya Yoncheva pour le rôle-titre et Alexander Tsymbalyuk en Roi René, et à cinq chorégraphes pour le second, Sidi Larbi Cherkaoui, Edouard Lock, Benjamin Millepied, Arthur Pita et Liam Scarlett. Enfin, il convient de saluer l’entrée depuis longtemps attendue d’un grand opéra du XXe siècle expressément composé pour le baryton le plus célèbre des soixante-dix dernières années, Dietrich Fischer-Dieskau, Lear d’Aribert Reimann qui sera donné du 23 mai au 12 juin dirigé par Fabio Luisi et mis en scène par Calixto Bieito, avec Bo Skovhus dans le rôle-titre. 

Dix reprises du fonds de productions lyriques de l'Opéra de Paris

Parallèlement à ces productions inédites, l’Opéra de Paris présente les reprises de Madama Butterfly de Giacomo Puccini dans la production de Robert Wilson qui ouvre la saison (8 septembre-13 octobre), avec Oksana Dyka alternant dans Cio-Cio-San avec Ermonela Jaho, Platée de Jean-Philippe Rameau de Marc Minkowski et Laurent Pelly avec Colin Lee dans le rôle-titre (9 septembre-8 octobre), le Don Giovanni de Wolfgang Amadeus Mozart de Michael Haneke (14 septembre-18 octobre), l’Elisir d’amore de Gaetano Donizetti de Laurent Pelly dirigé par Donato Renzetti avec Roberto Alagna en Nemorino, le Werther de Jules Massenet de Benoît Jacquot (23 janvier-4 février) qui marque le retour d’Alain Lombard dans la fosse de l’Opéra de Paris, avec Piotr Beczala (Werther), Stéphane Degout (Albert), Paul Gay (le Bailly) et Elïna Garanca (Charlotte), Capriccio de Richard Strauss (22 janvier-14 février) de Robert Carsen dirigé par Ingo Metzmacher avec Adrianne Pieczonka (la Comtesse), Wolfgang Koch (le Comte), Benjamin Bernheim (Flamand), Lauri Vasar (Olivier), Daniela Sindram (Clairon) et Graham Clark (Monsieur Taupe), Il Barbiere di Siviglia de Gioacchino Rossini vu au début de cette saison (voir http://brunoserrou.blogspot.fr/2014/09/un-barbier-de-seville-frenetique-venu.html), avec Nicola Alaimo (Bartolo), Lawrence Brownlee (Almaviva), Pretty Yende (Rosine) (5 février-4 mars), Der Rosenkavalier de Richard Strauss (9-31 mai) d’Herbert Wernicke, dirigé cette fois par Philippe Jordan, avec Anja Harteros/Michaela Kaune (la Maréchale), Peter Rose (Ochs), Daniela Sindram (Octavian) et Erin Morley (Sophie), enfin deux Verdi, la Traviata déjà évoquée, et Aida d’Olivier Py (voir http://brunoserrou.blogspot.fr/2013/10/une-aida-toute-en-or-suscite-un.html) dirigé par Daniel Oren avec Sondra Radvanovsky/Liudmyla Monastyrska qui alterneront dans le rôle-titre entre les 13 juin et 16 juillet.

Seront ainsi donnés cent trente soirées d’opéras et un total de quatre cent vingt huit rendez-vous, opéras, ballets, concerts, récitals confondus.

13 avant-premières à 10 € pour les moins de 28 ans et autres initiatives nouvelles

Parmi les nouvelles initiatives de l’Opéra de Paris suscitées par Stéphane Lissner, treize avant-premières d’autant de spectacles différents (les opéras Moses und Aron, le Château de Barbe-Bleue/la Voix humaine, la Damnation de Faust, Il Trovatore, Iolanta/Casse-Noisette, Rigoletto, Lear, les ballets Boris Charmatz, Robbins/Millepied/Balanchine, Anna Teresa de Keersmaeker, Wheeldon/McGregor/Bausch, Romansky/Balanchine/Robbins/Peck, Giselle) sont proposées aux moins de 28 ans au prix unique de 10 euros. Hors scène, des Concertini, concerts d’une trentaine de minutes proposés dans les espaces publics du Palais Garnier en prologue aux représentations de huit spectacles par des musiciens de l’Opéra de Paris autour du compositeur de la soirée. Est également créée l’Académie de l’Opéra national de Paris. Ce titre générique couvre deux grands axes pédagogiques, l’éducation artistique (programmation de spectacles destinés au jeune public, Dix mois d’Ecole et d’Opéra, Opéra-Université) et la formation professionnelle de jeunes artistes en résidence : metteurs en scène, chorégraphes, chanteurs et chefs de chant au sein de l’Atelier Lyrique, qui, outre Vol retour évoqué plus haut, proposera une nouvelle production de l’Orfeo de Monteverdi donnée Théâtre Gérard-Philippe de Saint-Denis, et musiciens. Une trentaine de jeunes artistes seront ainsi mis en résidence chaque saison pour être immergés au sein-même de l’activité de l’Opéra de Paris et forger leur apprentissage aux côtés d’artistes de renommée internationale. Autour de Philippe Jordan et Benjamin Millepied, deux personnalités participeront à cette formation, le chorégraphe William Forsythe et le violoniste Renaud Capuçon.

Autre réalisation nouvelle, « 3e Scène de l’Opéra de Paris », plateforme numérique (www.operadeparis.fr) qui, à partir du 15 septembre 2015, accueillera des productions commandées par l’Opéra à des cinéastes, des chorégraphes, des photographes, des plasticiens et des écrivains, ainsi que des archives et des programmes pédagogique proposés en exclusivité sur le site.

Création contemporaine

Pour ce qui concerne les commandes d’opéras contemporains, Stéphane Lissner a énoncé que si la saison prochaine est réduite aux acquêts, c’est parce près de cinq ans sont nécessaires à la conception d’un opéra, à la condition de réunir une équipe de créateurs associant compositeur, librettiste et metteur en scène, voire chorégraphe et plasticien. Il convient donc de laisser le temps requis pour la réalisation d’un tel projet. Mais Stéphane Lissner a tenu à rassurer quant à la perspective d’ouvrages nouveaux en reconnaissant à demi-mot que trois opéras seraient en précommande pour les saisons 2016-2017, 2017-2018 et 2018-2019 avec pour thème central la littérature française, et que l’un d’eux serait sur le point d’être conclu avec Kaija Saariaho. Une série du Ballet de l'Opéra est consacrée à Pierre Boulez pour ses 90 ans (1-31 décembre), tandis qu’une autre chorégraphie se fonde sur Vortex Temporum de Gérard Grisey par la Compagnie Rosas d’Anne Teresa De Keersmaeker (26 février-6 mars) avec l’Ensemble Ictus.

Bruno Serrou


Document saison 2015-2016 de l’Opéra de Paris, suivre ce lien : http://saison15-16.operadeparis.fr/pdf/OnP-BRO-SAISON-STD-bd.pdf

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