jeudi 19 septembre 2013

Karita Mattila et le WDR Sinfonieorchester Köln dirigés par Jukka-Pekka Saraste ont saisi Pleyel

Paris, Salle Pleyel, mardi 17 septembre 2013

le WDR Sinfonieorchester Köln et Jukka-Pekka Saraste. Photo : (c) WDR Köln, DR

Tandis que les orchestres de radio allemands sont actuellement sous la pression de restrictions monétaires qui, malgré la santé économique de l’Allemagne en regard du reste du monde, tendent à inciter les länder à réduire drastiquement leurs subsides, voire à les supprimer carrément, ce qui conduit soit à la concentration de plusieurs phalanges, à l’instar de ce qui se passe en ce moment dans le Bade-Wurtemberg, soit à leur disparition pure et simple, comme à Hanovre, il est bon que des salles de concert comme Pleyel les accueille tant ils tendent à l’excellence. Ce que confirme le haut niveau de la prestation de l’orchestre de la Westdeutscher Rundfunk (Radio de l’Allemagne de l’Ouest) de Cologne offerte mardi. 

Fondée en 1945 pour succéder à l’Orchestre du Reichssender créé en 1926, le Kölner Rundfunk-Sinfonie Orchester a eu pour directeurs musicaux des chefs de renom comme Christoph von Dohnanyi, Zdenek Macal, Gary Bertini et Semyon Bychkov. Sous leur impulsion, la formation de Rhénanie-du-Nord-Westphalie s’est imposée comme l’un des grands orchestres européens de radio. Et si l’on en croit la performance de l’orchestre à Pleyel, sa réputation est loin de devoir s’atténuer. 

Jukka-Pekka Saraste. Photo : (c) WDR Sinfonieorchester Köln, DR

A l’aune de ce concert, il est clair que sous l’influence de Jukka-Pekka Saraste, le WDR Sinfonieorchester Köln raffermit ses qualités intrinsèques. D’une formidable homogénéité, sonnant rond et fier, jouant avec un panache étourdissant, l’orchestre allemand répond à la moindre sollicitation du chef finlandais, qui, l’air de rien, tient fermement ses troupes tout en leur laissant la bride sur le cou. Pas une faute d’attaque, une panoplie de couleurs d’un foisonnement exceptionnel ont magnifié des œuvres que l’on croyait connaître par cœur au point de les rehausser et de surprendre à chaque phrase. 

Il faut dire que les musiciens chantaient dans leur jardin. Malgré une formation allégée (14-12-10-8-6 cordes) là où nombre de chefs allemands ajoutent généralement deux instrumentistes par pupitres, l’ouverture d’Egmont op. 84 et la Symphonie n° 5 en ut mineur op. 67 de Beethoven ont impressionné par la virtuosité de l’interprétation, la souplesse des attaques, l’unité des intonations, la vivacité de l’élan impulsé par le chef tandis que les musiciens rivalisaient en timbres et en luminosité agrémentés par une assise de graves au velouté ahurissant.
 
 Karita Mattila (soprano)
Entre les deux partitions beethoveniennes, l’Orchestre de la WDR a fait appel à Karita Mattila pour les Quatre derniers Lieder de Richard Strauss. L’on a pu craindre un instant que la soprano finlandaise ait la voix trop puissante pour ces pages crépusculaires du compositeur bavarois, qui rend ici un ultime hommage à la voix de sa femme, la cantatrice Pauline de Ahna créatrice du rôle de Gretel de Hänsel und Gretel de Humperdinck. Or, il n’en a rien été. Du moins après le premier lied, Frühling (Printemps) sur un poème d’Hermann Hesse, dont les vocalises légères ne correspondent pas à sa voix ample de Mattila, qui patinait quelque peu. Mais dès September (Septembre), le timbre lumineux qui a fait de la cantatrice une juvénile Salomé a pu s’épanouir pour vivifier l’émotion qui émanait de sa voix avec un naturel qui lui a permis de canaliser son expression et sa ligne de chant après avoir dû les soutenir de larges mouvements du corps pour surmonter les tensions du premier lied. L’émoi est allé crescendo jusqu’à l’ultime Im Abendrot (Au crépuscule) sur des vers de Joseph von Eichendorff dans lequel le compositeur, sur de sublimes appels de flûte évoquant les oiseaux s’égayant dans le ciel, s’interroge sur la nature de la mort, que l’orchestre et ses magnifiques solistes (violon, alto, cor, flûte, hautbois) et ses moelleux tutti a sertis d’un onctueux tissu sur lequel Karita Mattila a appuyé un chant d’une céleste beauté. L’on eut aimé après une telle profusion d’émotion que le temps demeure suspendu, mais la précipitation de quelques spectateurs pressés d’exhiber leur savoir, ont brisé le silence, se mettant sans attendre à applaudir avant même que le chef ait baissé les bras… Ils ont ensuite lourdement insisté pour que Karita Mattila leur offre un bis, mais la cantatrice, après avoir plusieurs fois remercié le public, a fini par signifier au chef sa volonté d’en rester là.

Après la Cinquième de Beethoven, Jukka-Pekka Saraste et le SWR de Cologne ont donné en bis l’ouverture de Béatrice et Bénédict de Berlioz, qui, avec cet orchestre aux harmonies veloutées, a sonné avec une abondance de couleurs et une fluidité de feu qui ont singulièrement manqué dans l’interprétation donnée durant le Festival Berlioz de la Côte-Saint-André en août dernier (voir http://brunoserrou.blogspot.fr/2013/08/hector-berlioz-recu-fin-aout-ses.html) du Jeune Orchestre Européen, ensemble d’instruments anciens dirigé par François-Xavier Roth. 

Bruno Serrou

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