mercredi 21 décembre 2011

Inénarrable Récital emphatique de Michel Fau aux Bouffes du Nord


Théâtre des Bouffes du Nord, mardi 20 décembre 2011

 Photo : (c) Marcel Hartmann
Théâtre des Bouffes du Nord après avoir assisté à la première d'un One (Wo)Man Show du comédien metteur en scène Michel Fau, fidèle interprète d'Olivier Py. Un spectacle inénarrable d’une heure au titre qui est à lui seul tout un programme, Récital emphatique. Et d'emphase, il n'est question que de cela, dans ce récital dont il est à la fois l’auteur et l’interprète. Mais la charge est affectueuse et d’une flagrante sensibilité, car le regard que Michel Fau porte sur ses consœurs est celui d’un authentique passionné de théâtre et d’opéra, le comédien fréquentant non sans tendresse et amour les divas de toutes disciplines aux côtés de qui il travaille au quotidien et qu’il met souvent en scène, notamment pour la compagnie Opéra Eclaté de son comparse Olivier Desbordes. Aimant à se travestir et à s’exhiber à la moindre occasion, ce qu’il fait avec un naturel confondant, il apparaît sur la scène des Bouffes du Nord tel une vraie star, superbement maquillé par Pascale Fau, coiffé par Elodie Martin d’une longue et sensuelle chevelure noire bouclée  et accoutré de robes plutôt seyantes signées David Belugou qui mettent en valeur une opulente poitrine digne de la célèbre Bianca Castafiore, l’impressionnant « rossignol milanais » dont l’imagerie populaire affuble volontiers les divas, qui, désormais, pourtant, répondent de plus en plus aux canons des mannequins les plus sexy. Mais il est vrai que Michel Fau « égratigne » ici les cantatrices et tragédiennes d’antan chères à son cœur.
Ainsi travesti en star plus vraie que nature, Michel Fau apparaît dans le noir, dos au public, pour se lancer dans une danse aux accents orientaux à force gestes des mains et déhanchements, accompagné avec maestria par le piano de Mathieu El Fassi, qui interprète dextrement la Danse des prêtresses de Dagon extraite de l’opéra de Camille Saint-Saëns Samson et Dalila. Après ce long et sulfureux pas de danse, « elle » file plusieurs extraits de ce même opéra, sa sophistication corroborant parfaitement l’affèterie du personnage de Dalila, qui, comme chacun sait, feint d’aimer Samson pour le perdre, chantant deux airs parmi les plus célèbres du répertoire lyrique français, « Printemps qui commence » suivi de « Mon cœur s’ouvre à ta voix », qui se termine sur un indescriptible « je t’aime ! », avant de se lancer dans une voluptueuse bacchanale avec force mimiques et clins d’œil avenants qu’« elle » conclut dans le noir. Tandis qu’El Fassi se lance dans la Danse des Sept Voiles de Salomé de Richard Strauss, le public, qui s’attend à voir arriver Fau s’effeuillant, en est réduit à écouter un long interlude instrumental solo, le temps que la diva change de robe. C’est en tragédienne que Fau réapparaît, pour dire de quatre façons différentes (de la tragédienne style Sarah Bernhardt jusqu’à la jeune ingénue des cités du théâtre de boulevard) le monologue de Phèdre de Racine, « Mon mari vient de plus loin » auquel il enchaîne judicieusement l’aria « Tristes apprêts » extraite d’un opéra baroque français inspiré de la mythologie antique, Castor et Pollux de Rameau. Suit un texte délirant de Roland Menou dans lequel Fau, assis à califourchon sur une chaise la robe largement fendue recouverte d’un treillis, narre l’histoire improbable d’une jeunette cochinchinoise des bords du Mékong qui se retrouve à Nevers sur les rives de la Loire en compagnie d’un Chinois avec qui elle avait eu une chaude relation l’on ne sait plus très bien où... Avant de se retrouver à Charleston au beau milieu de l’opéra « black » Porgy and Bess de Gershwin interprétant avec force mimiques le fameux Summertime… Le public rit avec a propos à gorge déployée, y compris, le soir de la première, des enfants dont les rires spontanés auront suscité une gêne certaine dans les passages les plus scabreux du Mekong B4 de Menou.
Bruno Serrou
Jusqu’au 30 décembre.

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